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II / LE MONDE / SAMEDI 16 OCTOBRE 1999 LA COUPE DU MONDE DE RUGBY 1999
Guerre des mots entre Français et Irlandais
Alors que la perspective d’un quart de finale entre Français et Irlandais est
encore purement hypothétique, l’entraîneur du XV du Trèfle s’est lancé dans
une curieuse guerre d’influence depuis Dublin. Quelques semaines avant le
lancement de la Coupe du monde, il avait publiquement envisagé d’aligner
une équipe « B » face à l’Australie, afin d’accrocher à moindre frais la place
en quarts de finale contre la France, le 24 octobre à Dublin. Il a finalement re-
noncé à cette pratique jugée « antisportive », mais, au soir de la défaite de
son équipe devant l’Australie, dimanche 10 octobre, il a eu un sourire sardo-
nique pour évoquer un quart de finale « peut-être contre les Fidji ». La ré-
ponse, côté français, n’a pas tardé. Richard Dourthe a pris l’affront très au sé-
rieux : « On verra si l’Irlande est qualifiée pour les quarts de finale. C’est loin
d’être acquis. » A ses côtés, Raphaël Ibanez a fustigé « l’énorme frustration »
du coach néo-zélandais de l’Irlande, éternel remplaçant de Sean Fitzpatrick
chez les All Blacks : « On pourrait aussi féliciter les Irlandais pour leur bon
match de football contre l’Australie », a ajouté le capitaine français.
Max Godemet, préparateur physique de l’équipe de France
« J’aimerais disposer d’une explication simple et rationnelle »
« Quelle analyse faites-vous
aujourd’hui de la soudaine
blessure dont vient d’être vic-
time le demi de mêlée Pierre
Mignoni ?
– On s’interrogera bien évidem-
ment, à cette occasion, sur la dure-
té, la sévérité, des entraînements
que nous avons organisés, ces der-
nières semaines, pour préparer le
XV de France à cette Coupe du
monde. Ces entraînements ont-ils
induit chez les joueurs une cer-
taine "fragilité" ? On peut légiti-
mement se poser la question. Pour
ce qui est de la dernière blessure
en date concernant Pierre Migno-
ni, la séquence est claire : match le
vendredi soir, récupération en pis-
cine samedi, récupération en
course le dimanche, suivi d’un pe-
tit jeu dérivatif. Après une nuit de
repos, l’entraînement n’a repris
que le lundi après-midi sur fond de
fraîcheur et de vitesse. Il a été suivi
le lendemain d’un entraînement
plus dur. Est-ce là qu’il faut re-
chercher la source d’une petite
fatigue musculaire non digérée, à
l’origine de la blessure de Pierre
Mignoni, une élongation de la
partie supérieure des quadri-
ceps ?
– Pourquoi l’avoir écarté aus-
si vite ?
– Le problème spécifique au-
quel nous sommes confrontés, à
deux jours de la rencontre contre
les Fidji, concerne un demi de
mêlée. Compte tenu de la spécifi-
cité de ce poste, il nous a fallu
trancher, avec tous les problèmes
humains que cela comporte vis-à-
vis de quelqu’un qui, depuis deux
mois, s’était pleinement investi
dans notre aventure mais que
nous ne pouvions garder, puisque
diminué par une blessure.
– La somme des blessures au-
jourd’hui recensées au sein de
la sélection est-elle explicable ?
– J’aimerais bien disposer d’une
explication simple et rationnelle.
On sait, en règle générale, que les
problèmes musculaires dont
peuvent être victimes les joueurs
de rugby de haut niveau sont
d’origines diverses. Il peut s’agir
de surentraînements, dont on
peut retrouver la trace par le biais
d’analyses biologiques, ce qui, en
l’occurrence, n’est pas le cas. On
peut aussi invoquer les déséqui-
libres dans l’hygiène de vie, ce
qui, à l’évidence, ne peut être re-
tenu. Il y a encore, bien évidem-
ment, les dimensions psycholo-
giques, la fameuse "fatigue
nerveuse"... L’hypothèse me
semble bien peu vraisemblable,
mais comment savoir ?
– La situation médicale ac-
tuelle des joueurs est-elle dif-
férente de celle que vous ren-
contrez lors des tournées
internationales ?
– Tous les problèmes auxquels
nous sommes confrontés sont
connus. Ils prennent certes, dans
le cadre de la Coupe du monde,
une acuité très particulière. Pour
autant, il est vrai qu’il est difficile
de constituer aujourd’hui en deux
mois une équipe au niveau de la
Coupe du monde. Les joueurs sé-
lectionnés du XV de France ont
plus ou moins atteint le rythme et
la dynamique imposés. Certains,
comme Emile Ntamack, ont tiré
la sonnette d’alarme et demandé
à être mis au repos. Pour ma part,
en tant que préparateur phy-
sique, je me sens directement
concerné. Je suis très touché vis-
à-vis des joueurs qui, sur bles-
sure, nous ont quittés. En vous
parlant, je regarde le match
Galles-Samoa, où la vitesse et
l’engagement physique sont
énormes. Nous avons tout mis en
place pour parvenir à ce niveau. »
Propos recueillis par
Jean-Yves Nau
LES ARBITRES
ANGLETERRE-TONGA
Poule B. Vendredi 15 octobre
(14 heures) à Twickenham (Londres) :
Wayne Erickson (Aus.) assisté de Joël
Dumé (Fra.) et Alan Lexis (Irl.).
AFRIQUE DU SUD-URUGUAY
Poule A. Vendredi 15 octobre
(18 heures) à Hampden Park (Glas-
gow) : Peter Marshall (Aus.) assisté
de Derek Bevan (Galles) et Steve R.
Walsh (N-Z.).
IRLANDE-ROUMANIE
Poule E. Vendredi 15 octobre
(20 heures) au stade de Lansdowne
Road (Dublin) : Brian Campsall
(Ang.) assisté de Iain Ramage (Eco.)
et Shinchi Iwashita (Jap.).
FRANCE-FIDJI
Poule C. Samedi 16 octobre
(14 heures) au Stadium municipal de
Toulouse : Paddy O’Brien (N-Z.) as-
sisté de Colin Hawke (N-Z.) et Tappe
Henning (AfS.).
ÉCOSSE-ESPAGNE
Poule A. Samedi 16 octobre
(16 heures) à Murrayfield (Edim-
bourg) : Clayton Thomas (Galles) as-
sisté de Derek Bevan (Galles) et
Steve R. Walsh (N-Z.).
ARGENTINE-JAPON
Poule D. Samedi 16 octobre
(20 heures) au stade du Millennium
(Cardiff) : Stuart Dickinson (Aus.) as-
sisté de Jonathan Kaplan (AfS.) et
Giovanni Morandin (Ita.).
Les Français ont besoin
d’être au pied du mur
FRANCE-FIDJI constitue la
dernière étape avant d’aborder
la phase finale de la Coupe du
monde. Inconsciemment, quand
ils ne sont pas confrontés au
danger de l’éli-
mination di-
recte, les Tri-
colores ont du
mal à mettre
en œuvre les
éléments de
leur survie. Jo
Maso, le ma-
nager de l’équipe de France, a
même quitté de façon brutale la
conférence de presse qui a suivi
France-Namibie. Ce n’est pas
dans ses habitudes. Son geste
avait pour but de provoquer
chez ses joueurs, à l’approche
d’un match décisif, une réaction
d’orgueil et d’agressivité.
Il en va toujours comme cela
de toutes les équipes de France.
Elles ont besoin de se trouver au
pied du mur pour trouver les res-
sources de se surpasser. L’équipe
de France de football, cham-
pionne du monde, critiquée dans
son parcours préliminaire avant
d’atteindre l’objectif suprême,
retombe à l’heure actuelle dans
des errements qu’il était difficile
d’envisager.
Ainsi va le sport français pour
des raisons qu’il serait facile
d’analyser. Mais, aujourd’hui, le
monde du rugby se trouve
confronté à un problème consi-
dérable : construire une société
sportive d’un genre nouveau qui
ne se fera pas sans un profond
changement de mentalité. C’est
une question fondamentale, qui
réclame une approche nouvelle
de la part des joueurs et de leur
encadrement. Les joueurs ac-
tuels sont dans la confusion, et
ils en font reproche tant au sys-
tème qu’à leur encadrement.
C’est sans doute une grande ma-
ladie, qu’il convient de guérir,
mais, dans l’urgence actuelle, on
ne peut compter que sur des
subterfuges et sur une motiva-
tion primaire, comme l’a fait Ma-
so. Rien n’est perdu, mais tout se
joue actuellement. Jo Maso,
Jean-Claude Skrela et Pierre Vil-
lepreux le savent bien, eux qui
sont avant tout joueurs jusqu’au
bout des ongles. J’ai personnelle-
ment confiance en leur capacité
à résoudre ce problème. Car la
situation actuelle n’est pas sans
rappeler les dernières Coupes du
monde : en 1987, avant la demi-
finale gagnée contre l’Australie,
en 1991 avant le quart de finale
perdu contre l’Angleterre et cer-
tainement en 1995 où, mira-
culeusement, la France avait ga-
gné des matches de qualification
qu’elle aurait pu perdre (contre
l’Ecosse et les Fidji) après avoir
réalisé une médiocre perfor-
mance contre... la Côte-d’Ivoire.
Le match contre les Fidji ne va
sans doute pas rassurer le XV tri-
colore, qui, dans le fond, ne tient
peut-être pas à l’être complète-
ment, trouvant dans cette situa-
tion instable des raisons de se
surpasser. C’est sans doute une
question de culture plus que
d’entraîneurs. L’entraîneur pro-
videntiel n’existe pas, sinon les
Fidjiens, adeptes du mouvement
et champions du monde de rug-
by à 7, dotés d’un entraîneur
néo-zélandais pour gagner en ri-
gueur dans le jeu, seraient aussi
champions du monde de rugby à
XV.
La France va sans doute battre
les Fidji, mais sans se rassurer
complètement, de façon à atta-
quer le quart de finale de Dublin
avec cette peur au ventre qui lui
est nécessaire pour aborder les
grands événements.
La relaxation fait partie d’un bon entraînement : ici, les Fidjiens en pleine préparation,
à Banyuls, avant leur deuxième match de Coupe du monde, contre le Canada.
GABRIEL BOUYS/AFP
Le XV de France se dote d’une charnière inédite
France-Fidji (poule C). A la veille d’un match capital, samedi à Toulouse, la blessure du demi de mêlée Pierre Mignoni
a entraîné la titularisation de Stéphane Castaignède aux côtés de Christophe Lamaison... et le rappel de Fabien Galthié
LES RUGBYMEN du XV de
France appellent cela le « chat
noir ». La malchance ne les lâche
pas : après Philippe Carbonneau,
blessé au genou lors d’un stage à
Val-d’Isère, après Thomas Castai-
gnède, Thomas Lièvremont et Sté-
phane Glas, tous trois victimes de
problèmes musculaires depuis le
début de la Coupe du monde, le
demi de mêlée Pierre Mignoni, à
son tour, a été atteint d’une élon-
gation, un nouveau « pépin » qui
l’a contraint à déclarer forfait
pour la suite de la compétition.
Pour affronter les Fidji, samedi
16 octobre, au Stadium municipal
de Toulouse, le jeune Toulonnais
sera remplacé derrière la mêlée
par le Montois Stéphane Castai-
gnède, alors que Fabien Galthié,
rappelé in extremis à l’avant-veille
du match, prendra place sur le
banc des remplaçants.
DÉBUTS HÉSITANTS
En dépit de ses débuts hésitants
face au Canada et à la Namibie,
Pierre Mignoni, vingt-deux ans,
avait conservé « l’entière
confiance » de ses entraîneurs. «Il
s’est fait croquer une fois ou deux
contre la Namibie, mais cela arrive
quand on prend des initiatives. Il
n’a jamais perdu le ballon et il n’a
jamais mis Christophe Lamaison en
difficulté », soulignait Jean-Claude
Skrela. C’était mercredi 13 octo-
bre. L’entraîneur français justifiait
la nouvelle sélection du Toulon-
nais. L’après-midi même, celui-ci
a ressenti « une légère douleur à la
cuisse gauche ». Rien de grave,
pensait-il. Tout comme Thomas
Castaignède, lui aussi touché lors
d’une séance d’entraînement,
Pierre Mignoni n’a pas senti le ter-
rible « coup de poignard », signe
annonciateur d’une élongation.
Le titulaire indisponible, les sé-
lectionneurs français n’ont pas
tergiversé. Il fallait un remplaçant
contre les Fidji. A trente et un ans,
Stéphane Castaignède, qui n’avait
pas participé à la tournée estivale
du XV de France dans le Pacifique
sud, a été immédiatement dési-
gné. Pour son troisième match
sous le maillot bleu, il formera la
nouvelle charnière de l’équipe na-
tionale avec l’ouvreur de Brive,
Christophe Lamaison, retenu la
semaine dernière après le forfait
de l’autre Castaignède, Thomas.
Une énième charnière. Dans l’es-
prit des sélectionneurs, les postes
en jeu – demi de mêlée, demi
d’ouverture – revenaient à Phi-
lippe Carbonneau et à Thomas
Castaignède. Le (mauvais) sort en
a décidé autrement. Et les voilà
contraints de composer en vue du
match capital contre les Fidji.
Pour autant, la nouvelle n’a pas
semblé déstabiliser un groupe ha-
bitué par Jean-Claude Skrela et
Pierre Villepreux à jongler avec les
postes et les rôles. « Je ne suis pas
inquiet, car nous nous donnons tous
les moyens de réussite, a rassuré
Abdelatif Benazzi, du haut de son
expérience de trentenaire. Nous
allons tout mettre en œuvre pour ne
pas revivre le calvaire de Bordeaux
contre la Namibie. Il n’y a pas de
secret contre ce type d’hommes [les
Fidjiens], il faut axer les efforts sur
les mêlées et resserrer le rideau dé-
fensif. » Ce rideau sera tiré par
Emile Ntamack, qui remplace Sté-
phane Glas, et Richard Dourthe,
associés pour la première fois au
centre. « Je vais faire ce que je sais
faire le mieux », a promis le pre-
mier nommé, qui retrouve là le
poste qu’il occupe à Toulouse.
« RENTRONS-LEUR DEDANS ! »
Abdelatif Benazzi, dont on dit
qu’il peut rendre au XV de France
sa rigueur envolée, prévient aussi-
tôt : « Contre les Fidjiens, il faut
s’attendre à tout : un pilier peut ef-
fectuer des coups de pied de dépla-
cement ou encore un deuxième-
ligne peut courir plus vite qu’un ai-
lier... Mais nous possédons
également nos atouts avec le re-
gistre au pied de Christophe Lamai-
son ou la puissance d’Emile Nta-
mack. » Et d’ajouter : « Quand
bien même ils auraient progressé,
nous sommes encore en avance sur
eux. Il faut les presser. Rentrons-
leur dedans ! » L’heure de la
charge approche. Reste à Sté-
phane Castaignède et Christophe
Lamaison à organiser la ma-
nœuvre au mieux. Sinon, il restera
aux sélectionneurs une autre arme
secrète.
Car, pour remplacer le nouveau
demi de mêlée titulaire au poste
de demi de mêlée remplaçant,
Jean-Claude Skrela a décroché son
téléphone, jeudi 14 octobre, à
9 h 30 afin de solliciter un voisin,
Fabien Galthié, spécialiste de
l’US Colomiers.
L’appel n’a sans doute pas été
des plus faciles pour l’entraîneur
français. Le 12 juillet, il avait écar-
té Fabien Galthié de son groupe
des 30, en même temps que deux
autres « vétérans » du XV de
France, Jean-Luc Sadourny et Phi-
lippe Benetton. Peu à son avan-
tage pendant la tournée d’été, le
Columérin s’attendait à ce désa-
veu. Il n’en avait pas moins été
terriblement vexé. Sa réaction
avait été d’une extrême violence :
« Si je croise Jean-Claude Skrela et
Pierre Villepreux dans la rue, je ne
leur adresserai pas la parole »,
avait-il confié au quotidien
L’Equipe, le 2 septembre.
Depuis, Fabien Galthié soigne
sa mélancolie à l’US Colomiers,
son club de toujours, avec lequel
il a réussi un excellent début de
championnat de France. Cela n’a
pas échappé à Jean-Claude Skrela,
directeur des sports de la ville.
Avant que son téléphone ne
sonne, jeudi, le demi de mêlée
avait « relativisé » sa mise à
l’écart : « A ce poste, il ne faut ja-
mais croire qu’on va pouvoir ali-
gner dix matches consécutifs en
équipe de France. »
Quelques minutes après l’appel,
il était encore « très surpris ».Un
curieux sentiment de déjà-vu l’ha-
bitait. Quatre ans plus tôt, en
1995, non sélectionné pour la
Coupe du monde, il s’était envolé
pour rejoindre le club de Folbe, en
Afrique du Sud. Non loin de là, du
côté de Durban, le camp des Bleus
cherchait à pallier le forfait de
Guy Accoceberry. Pierre Berbizier
l’avait alors appelé en catastrophe
pour jouer la demi-finale face aux
Springboks (15-19). C’était le pre-
mier épisode du feuilleton : « Fa-
bien Galthié, ou l’éternel re-
cours. »
Eric Collier
à Toulouse
LE CHIFFRE DU JOUR
100 %
C’est le pourcentage de réussite
du capitaine canadien Gareth
Rees, 32 ans, dans l’exercice des
coups de pied au but lors de cette
Coupe du monde. Que ce soit sur
pénalités, transformations ou
drops, le buteur, pour son qua-
trième et dernier Mondial (ce qui
est un record), n’a pas manqué
une seule fois sa cible. Il totalise
49 points en trois matches.
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