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AUJOURD’HUI
LE MONDE / SAMEDI 16 OCTOBRE 1999
24
Les surprises de la recherche en paternité des grands cépages français
Le recours à la technique des empreintes génétiques permet de découvrir le véritable arbre généalogique des vignes d’aujourd’hui:
une passionnante révolution ampélographique qui révèle les basses origines de certains ancêtres des variétés vedettes de nos grands crus
AUCUN AMOUREUX de la vigne
et du vin ne l’aurait cru. Et, à l’évi-
dence, beaucoup, demain, en dou-
teront encore. Pourtant, la science a
parlé et les derniers résultats sortis
des cornues de la génétique molé-
culaire ne laissent plus la place au
moindre doute : quelques-uns des
plus grands cépages français, des
cépages à l’origine des appellations
d’origine contrôlée parmi les plus
prestigieuses de l’Hexagone, sont
les descendants d’un couple végétal
contre nature. Un couple constitué,
il y a plusieurs siècles, du célébris-
sime pinot noir (à l’origine, notam-
ment, de tous les vins rouges de la
Bourgogne) et de l’improbable
« gouais blanc », cépage de la plus
basse extraction qui a depuis long-
temps déjà totalement disparu de la
planète viticole. Publié récemment
par l’hebdomadaire scientifique
américain Science, cet incroyable bi-
lan d’une recherche en paternité
ampélographique hors du commun
remet en question bien des certi-
tudes. Elle ouvre de nouvelles pers-
pectives quant à l’usage qui pourrait
être fait demain de la plasticité de
Vitis vinifera, cette plante étonnante.
Cette étude est la dernière étape
en date d’une vaste entreprise lan-
cée au début de 1990 et qui vise à
établir, grâce à la technique des em-
preintes génétiques, le véritable
arbre généalogique des différents
cépages, ou variétés, des vignes
cultivées actuellement à travers le
monde. Les biologistes végétaux
ont eu recours aux mêmes outils
que ceux qui, utilisés par les spécia-
listes de la médecine légale ou de la
police scientifique, ont amplement
fait la preuve, ces dernières années,
de leur puissance et de leur préci-
sion. Il s’agissait d’analyser la struc-
ture de certaines régions parti-
culières du patrimoine génétique de
certains cépages et, par comparai-
son avec les résultats obtenus à par-
tir de la même analyse d’autres va-
riétés, d’établir des lignes de
filiation. Le génome de la plante est
obtenu par extraction à partir de
jeunes feuilles broyées, mais peut
aussi l’être, depuis peu, à partir de
fruits ou de sarments
« On estime aujourd’hui à environ
six milles le nombre des cépages culti-
vés à travers le monde, explique
Jean-Michel Boursiquot (Ecole su-
périeure agronomique, Montpel-
lier). Pour tenter d’établir l’origine de
ces cépages, les ampélographes ne
pouvaient, jusqu’ici, que se baser sur
des caractères phénotypiques,
comme la forme des feuilles ou celle
des raisins et des grappes. On avait
pu établir ainsi quelques grandes fa-
milles de cépages. Grâce à la tech-
nique des empreintes génétiques nous
pouvons aller beaucoup plus loin. »
Une équipe dirigée par Carole
Meredith et John Bowers (départe-
ment de viticulture et d’œnologie
de l’université de Californie, à Da-
vis) a pu confirmer ainsi que le ca-
bernet sauvignon – cet empereur du
Médoc et de la plupart des vignes
rouges du Nouveau Monde
n’était, en réalité, que l’enfant plus
ou moins légitime du cabernet franc
et du sauvignon, ces deux cépages
indéracinables de la tranche mé-
diane de la vallée de la Loire.
TOUS COUSINS
Aujourd’hui, grâce à la collabora-
tion exemplaire établie entre
l’équipe californienne et les spécia-
listes de l’Ecole nationale supérieure
agronomique de Montpellier asso-
ciés à l’unité de recherches de géné-
tique et d’amélioration des plantes
de l’Institut national de la recherche
agronomique (INRA), on franchit
un nouvelle étape dans le décryp-
tage des racines ampélographiques.
Les empreintes génétiques retrou-
vées de Vitis vinifera ne laissent
place à aucun doute : le chardonnay
(le plus grand et le plus expressif
des cépages bourguignons), l’aligo-
té (ce cousin pauvre du chardon-
nay), le gamay (ce Rastignac des cé-
pages rouges) et le melon de
Bourgogne (qui a depuis longtemps
colonisé le terroir du muscadet)
sont tous cousins. Plus qu’issus de
germains, presque frères consan-
guins.
« Une telle conclusion peut appa-
raître a priori étonnante, mais elle ne
surprendra pas, au fond, les spécia-
listes de la dégustation et de l’œnolo-
gie dans la mesure où les vins issus de
ces quatre cépages se situent dans
une même gamme de structures et
d’arômes, estime pour sa part Thier-
ry Nérisson, jeune vigneron touran-
geau et sommelier du restaurant
Jean Bardet. Cette parenté est plus
particulièrement retrouvée dans des
vins vieillissants, qui s’expriment
souvent de manière étonnamment
muscatée. De même, les vieux vins is-
sus du cépage chenin ont fréquem-
ment des silhouettes de tokay hon-
grois. »
Plus encore que la découverte de
cet étonnant cousinage, c’est bien
l’identité de l’un des deux membres
du couple végétal fondateur qui ne
peut manquer de surprendre. En ef-
fet, plusieurs éléments historiques
plaident en faveur de la possible
création de croisements par pollini-
sation entre le pinot noir et le
gouais blanc ; ces mariages végé-
taux et sexués ayant donné, au fil
du temps, naissance à la descen-
dance – désormais prouvée par la
science génétique – de trois cépages
blancs et d’un rouge longtemps vi-
nifiés dans différentes provinces de
France et, depuis quelques décen-
nies déjà, dans de multiples régions
du globe.
Cela pose problème. Car, si la
grandeur du pinot noir ne laisse au-
cun doute, le gouais blanc soulève
en revanche de sérieuses interroga-
tions. Gouais blanc ? Hormis les
ampélographes de Montpellier, qui,
religieusement, continuent à le
cultiver et, pour le plaisir, à en vini-
fier le fruit, personne ne sait plus de
quoi il retourne. Dans cette bible
qu’est devenu Le Livre des cépages,
de Jancis Robinson (traduction de
Claude Dovaz, éditions Hachette),
le gouais blanc n’est plus mention-
né que comme l’une des anomalies
qui auraient, autrefois, été cultivées
dans le Jura et la Franche-Comté.
Pour autant ce cépage a bel et bien
marqué l’histoire française de la
vigne et du vin. Les auteurs de la
publication de Science estiment,
quant à eux, que ce vieux roturier
hexagonal n’est autre que le cépage
heunisch d’Europe centrale, intro-
duit en Gaule par un empereur ro-
main originaire de Dalmatie.
« D’autres travaux sont en cours
pour tenter d’établir de nouvelles fi-
liations, explique Jean-Michel Bour-
siquot. Ils concernent notamment les
cépages gewurztraminer, marsanne
et roussane. De nouveaux marqueurs,
les chloroplastes, qui, dans la vigne,
ne sont transmis que par la mère, de-
vraient nous permettre de progresser
peut-être plus rapidement que nous
l’imaginions. » Tout est ainsi en
place pour que la génétique contri-
bue un peu plus encore à l’anthro-
pomorphisation de cette merveil-
leuse plante, fruit ultime de la lente
domestication des lambrusques des
forêts ancestrales.
Jean-Yves Nau
La belle histoire du petit gouais blanc
«EN RÉALITÉ le gouais blanc n’a
pas totalement disparu de l’Hexa-
gone : il y a quelques semaines j’ai pu
en retrouver deux souches dans le
Gers, à proximité de la zone d’appel-
lation du Madiran, et il est vraisem-
blable qu’on puisse encore en trouver
dans le Sud-Ouest », affirme Jean-
Michel Boursiquot (Ecole supérieure
agronomique, Montpellier). Pour
notre part, nous continuons à le culti-
ver au domaine du Vassal, propriété
de l’Institut national de recherche
agronomique. » Gouais – ou goet –
blanc ? S’il n’est plus dans la mé-
moire des vignerons d’aujourd’hui,
ce cépage est bel et bien présent
dans les racines séculaires de la viti-
culture française, comme en té-
moigne Roger Dion dans sa monu-
mentale Histoire de la vigne et du vin
en France des origines au XIX
e
siècle
(éditions Flammarion).
Un document du XII
e
siècle, la ré-
daction de la coutume de Beauvaisis
par Philippe de Beaumanoir, dé-
montre combien il était déjà au bas
de l’échelle œnologique. L’auteur
évaluait alors la valeur des rentes
servies un vins. Alors que le « vin
fromentel » est estimé à « douze sous
le mui », le « vin moreillons » l’est à
neuf sous et le « goet » à six sous
seulement. Roger Dion retrouve ce
« cépage inférieur » en 1338 à Metz,
où il est orthographié «goe. «En
1338 un atour – ainsi étaient appelées
à Metz les ordonnances de l’échevi-
nage – s’en prend à ceux des habi-
tants de la cité et des villages voisins
qui ont eu la « malice » d’arracher de
leurs vignes le cépage noble dit fro-
mental [qui évoque la blancheur de
la farine] pour mettre en sa place des
« goez » et d’autres mauvaises es-
pèces de vignes afin d’augmenter le
volume de leur récolte, écrit-il.
« Grant damage », disent les éche-
vins, en est venu « à Nous et à nostre
citeit », les marchands ne voulant plus
« achetteit nulz de nos vins por la
grant foison des goez »
C’est ainsi que l’ordre fut donné,
alors, d’arracher le mécréant sur
tout le territoire messin et de ne pri-
vilégier que le fromental blanc et
noir.
COMMUNAUTÉ D’INTÉRÊTS
On retrouve le gouais à Paris au
XIV
e
siècle, où, du fait du fort déve-
loppement de la classe ouvrière, il
prend progressivement la place du
morillon (le pinot noir de Bourgogne,
ainsi appelé en référence au teint ba-
sané du Maure), plant fin du vignoble
parisien.
« Ceux qui plantaient du gouais aux
abords de Paris tiraient de cette faible
mise un profit certain tant la capitale
était avide de vins à bon marché », écrit
Roger Dion. Tout se passe alors
comme si une communauté d’intérêts
s’établissait entre l’ouvrier vigneron et
celui de la vigne, soucieux d’obtenir
du vin à moindre prix. Cette commu-
nauté d’intérêt ne pouvait qu’inquié-
ter les bourgeois viticulteurs d’Ile-de-
France, d’autant que ces derniers se
trouvaient désavantagés par la vogue
grandissante des vins récoltés sous de
plus chaudes latitudes. Mais le mou-
vement n’est que parisien. « A partir
du moment où la viticulture populaire
commence à multiplier ses plantations
aux abords de la capitale, une opposi-
tion s’accuse dans l’ensemble de la pro-
vince vinicole nommée France entre un
vignoble suburbain qui s’avilit de jour
en jour et des vignobles plus éloignés qui
se défendent mieux contre l’invasion des
plants grossiers », écrit Roger Dion. Ce
sont ces vignobles, on le sait, qui sau-
veront l’honneur de la viticulture fran-
çaise. On ignorait néanmoins jusqu’à
présent que le gouais avait directe-
ment, génétiquement, contribué à ce
sauvetage.
J.-Y. N.
SCIENCES
Des chercheurs améri-
cains et français ont entrepris d’éta-
blir, grâce à la technique des em-
preintes génétiques, l’arbre
généalogique des différents cépages
cultivés actuellement à travers le
monde. b LES PRINCIPALES VARIÉTÉS
cultivées aujourd’hui en Bourgogne,
toutes issues d’un même « couple
fondateur », ont ainsi révélé leur
étroite parenté. b LE GOUAIS BLANC,
considéré comme une variété de
piètre qualité dès le Moyen Age, au-
jourd’hui quasi disparu, est l’un de
ces ancêtres communs, ce qui est
étonnant au regard du résultat re-
marquable de son croisement avec le
pinot noir. b LA RÉGLEMENTATION
très sévère, sur laquelle le vignoble
français a bâti sa réputation, rend au-
jourd’hui impossibles les expérimen-
tations qui ont permis à nos ancêtres
d’élaborer les grands cépages et dé-
favorise les vignerons français par
rapport à leurs collègues étrangers.
La réglementation contre l’aventure
LA PUBLICATION de Science dépasse de beau-
coup le seul cadre de la génétique et de l’ampélo-
graphie. En levant le voile sur l’origine de quel-
ques-uns des grands cépages français, elle rappelle
avec force que cette plante, plus peut-être que
toutes celles destinées à l’alimentation, a été fa-
çonnée, sélectionnée, par l’homme. En d’autres
termes, les vignes telles que nous les connaissons
aujourd’hui ne sont que les très lointaines descen-
dantes des vignes de l’Antiquité méditerranéenne
ou du Moyen Age européen.
Les cépages de cette fin de millénaire sont le
produit de longs travaux de croisement, d’identifi-
cation, de comparaisons et de stabilisation des li-
gnées ainsi établies. La question, dès lors, est de
savoir si la situation actuelle correspond à une
forme d’apogée de la viticulture ou si, comme on
doit sans doute le penser, l’aventure commune de
l’homme et de la vigne est loin d’être finie.
A Montpellier, les auteurs français de la publica-
tion de Science ont entrepris de reproduire le ma-
riage entre le pinot noir et le gouet blanc afin de
confirmer, en pratique, les preuves fournies par la
génétique. Mais, déjà, certains imaginent d’autres
tentatives qui permettraient d’élargir encore la
gamme des plants cultivés, que ce soit pour leurs
fruits ou pour les vins auxquels ils pourraient don-
ner naissance. Or force est de constater que ce dé-
but de révolution survient, en France, dans un
contexte caractérisé par l’omniprésence d’une ré-
glementation drastique qui interdit, en pratique,
toute aventure viticole et gustative.
La dernière illustration en date concerne Jean-
Louis Denois, vigneron propriétaire du domaine
de l’Aigle à Roquetaille (Aude), qui vient d’être
condamné par un tribunal de Carcassonne à
10 000 francs d’amende pour avoir osé planté 1 000
pieds surgreffés en riesling et en gewurztraminer,
qu’il devra en outre impérativement arracher. Pro-
ducteur de vins unanimement salué par les cri-
tiques, Jean-Louis Denois ne pourra donc pas
conduire l’expérience qu’il souhaitait : vérifier si
ces deux cépages orientaux peuvent s’adapter à la
spécificité de son terroir, l’un des plus frais et des
plus hauts du Languedoc.
La situation est d’autant moins rationnelle que
les vignerons étrangers ne sont pas soumis aux
contraintes réglementaires françaises et qu’à ce
titre ils peuvent se lancer dans des aventures que
l’Hexagone prohibe. Beaucoup de spécialistes
craignent qu’après avoir – grâce au concept d’ap-
pellation d’origine contrôlée et à l’institut national,
qui en porte le nom – obtenu une indiscutable re-
nommée internationale le vignoble français ne soit
aujourd’hui prisonnier d’un corset insupportable.
J.-Y. N.
ANALYSE
Certains imaginent d’autres
tentatives qui permettraient
d’élargir encore la gamme
des plants cultivés.
Vignoble de Chardonnay dans le Macônnais.
MICK ROCK/TOP
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